Etablissements Pénitentiaires pour Mineurs EPM

 

"CENTRÉS SUR L'ÉDUCATION"

Disséminées sur tout le territoire, les huit prisons destinées aux mineurs, constituent la principale innovation du programme de la chancellerie. Alors qu'aujourd'hui les mineurs sont cantonnés dans des quartiers annexes aux prisons majeures, à l'étanchéité toute relative - à l'exception notable du Centre des jeunes détenus de Fleury-Mérogis (Essonne) -, le gouvernement crée une nouvelle catégorie de prisons, les établissements pénitentiaires pour mineurs (EPM), à destination des 13-18 ans. Constitués de petits bâtiments, comprenant de 40 à 60 places, ils seront implantés à proximité de grands centres urbains, "dans un lieu accessible aux familles, non loin d'une gare ou d'un axe routier, afin d'éviter la désocialisation des jeunes", explique Pierre Bédier. Ces prisons pour jeunes pourraient d'ailleurs présenter un visage différent : le secrétaire d'Etat aux programmes immobiliers envisage de les entourer de grillages plutôt que de murs d'enceinte, "car la prison n'a pas à se cacher".

Pour ces nouveaux établissements "centrés sur l'éducation et non plus sur la cellule", la chancellerie prévoit de concentrer ses efforts sur la prise en charge quotidienne des jeunes. Le projet pédagogique reposera donc sur "l'idée que le mineur doit être occupé toute la journée", des activités sportives à la salle de classe. "C'est ce qui devrait permettre de les garder", affirme ainsi M. Bédier. Tous les mineurs ne pourront cependant pas bénéficier de ce régime d'incarcération. Choisissant de construire 400 places en EPM, la chancellerie n'a pas prévu, en retour, de fermer tous les quartiers mineurs. "Pour les mineurs d'une très grande dangerosité, il faudra garder les quartiers actuels afin de ne pas trop sécuriser les nouveaux établissements", projette le secrétaire d'Etat.

Les contours de ces établissements seront précisés dans les mois prochains : une mission "sur la prison du futur" a été confiée à René Eladari, ingénieur des Ponts et chaussées et ancien maître d'œuvre du programme Chalandon, qui devrait rendre ses conclusions début 2003. Il s'agit d'aller vite : le lancement des appels d'offre est programmé pour la seconde moitié de 2003. Plusieurs sociétés de BTP pourraient être intéressées par ce chantier d'autant que les possibilités de financement du programme ont été étendues : aux contrats de constructions classiques, soumis à un concours, la loi Perben du 9 septembre a ajouté le dispositif du crédit-bail, passé avec un organisme financier, et la location avec option d'achat, qui devrait permettre à un prestataire privé de financer et réaliser une prison pour ensuite la louer à l'Etat.

Prieur Cécile, Trente nouvelles prisons doivent être construites avant 2007, Le Monde 21-11-2002, http://www.lemonde.fr/article/0,5987,3226--299050-,00.html

 

PRISONS "EDUCATIVES" POUR MINEURS

La grande nouveauté du plan réside cependant dans la construction de huit prisons d'une capacité totale de 400 places pour les mineurs de 13 à 18 ans. Les lieux retenus en l'état du projet sont: Valenciennes, Nantes, l'agglomération de Lyon, celle de Toulouse, l'Ile-de-France, le Sud-Est et l'Alsace. Ces "établissements pénitentiaires pour mineurs" (EPM) regrouperont chacun de 40 à 60 détenus et les conditions d'incarcération seront adaptées, avec des locaux scolaires, une présence renforcée de psychologues, enseignants et éducateurs, des activités encadrées et un contact entre l'administration pénitentiaire et les parents des détenus.

Il ne s'agit que d'une nouvelle option, puisque les quartiers pour mineurs des autres prisons ne seront pas supprimés. Le gouvernement a déjà annoncé qu'il entendait aussi mettre en service des "centres fermés" pour les mineurs délinquants, qui constitueront dans l'esprit du gouvernement la dernière chance avant la prison. C'est le secrétaire d'Etat aux Programmes immobiliers de la Justice, Pierre Bédier, qui aura la tâche de mettre en oeuvre le programme. Une tâche qui s'annonce complexe, puisque les localisations exactes ne sont pas encore connues dans de nombreux cas et que les terrains restent à acquérir.

Les appels d'offres doivent être lancés fin 2003, et les travaux commencer en 2004 pour les établissements pour mineurs et en 2005 pour les autres. Parallèlement, deux missions d'études seront confiées au député UMP des Ardennes Jean-Luc Warsmann pour déterminer de nouveaux types de peines et à l'ingénieur René Eladari pour la conception des nouvelles prisons.

Reuters, Trente nouvelles prisons construites en France d'ici 2007, http://fr.news.yahoo.com/021121/85/2uyzs.html, http://fr.news.yahoo.com/021121/214/2uzzs.html

 

Gilbert Charles, Fleury, maison de corrections, L'Express, le 25/03/1999

Racket, règlements de comptes, tabassages : même les juges hésitent à y envoyer les délinquants

A quoi sert d'incarcérer les jeunes délinquants, comme le préconisent de plus en plus les adeptes d'une politique de fermeté, si c'est pour les jeter dans une jungle impitoyable derrière les barreaux ? Le centre des jeunes détenus (CJD) de Fleury-Mérogis (Essonne) donne un exemple effarant. La plus grande maison d'arrêt pour mineurs de France semble en effet devenue une zone de non- droit: racket, règlements de comptes et tabassages en tout genre ne cessent de s'y multiplier. A tel point qu'un groupe de médecins et d'enseignants, ainsi que la juge d'application des peines, ont alerté Elisabeth Guigou, ministre de la Justice, et rédigé un texte à usage interne qui dresse un tableau apocalyptique des conditions dans lesquelles vivent les 365 jeunes de 13 à 21 ans à l'intérieur de l'établissement. «En deux ans et demi de travail au CJD, le médecin a constaté presque quotidiennement des traces de coups, hématomes, ecchymoses, plaies par lame de rasoir», dénoncent les signataires. La plupart des agressions se produisent dans la cour de promenade, où les surveillants ne pénètrent jamais: l'endroit est considéré comme trop dangereux. L'an dernier, des caméras vidéo y ont été installées, mais les bagarres continuent dans les angles morts ou à l'abri des groupes de détenus qui se forment pour les masquer. Les auteurs des altercations ne sont pratiquement jamais identifiés, car les victimes ont peur de les dénoncer. Résultat: «De nombreux détenus sont terrorisés et se replient sur eux-mêmes, certains cessent d'aller à l'école, au travail dans les ateliers, voire au parloir. Dans ces conditions, la peine peut-elle avoir un sens pour ces jeunes? Nous ne le croyons pas

Même les juges rechignent aujourd'hui à incarcérer leurs «clients» au CJD de Fleury: «Je réfléchis à deux fois avant d'envoyer un jeune là-bas, avoue Jean-Pierre Bouchet, juge pour enfants au tribunal d'Evry, car j'ai le sentiment de le mettre en danger, surtout s'il s'agit de quelqu'un de fragile. C'est quand même aberrant d'en arriver là!» Juge au tribunal de Créteil, Alain Vogelweith confirme: «Ce centre est devenu ingérable. L'administration semble avoir plus de mal à faire régner la discipline chez les mineurs que chez les adultes.» Ainsi les détenus du CJD, soit moins du dixième de la population de Fleury, sont-ils quatre ou cinq fois plus punis que les autres et fournissent-ils 40% des hôtes du quartier disciplinaire. Les travailleurs sociaux du centre avaient déjà, à la fin de 1996, alerté l'administration et constitué un groupe de travail.

Mais ces réflexions ont été suspendues en juillet 1997 par le directeur du centre pénitentiaire, sous prétexte qu'il y avait d' «autres priorités». En avril 1998, un rapport parlementaire sur la protection judiciaire de la jeunesse recommandait même que le CJD de Fleury soit «fermé aux mineurs», constatant que «la prison est un échec, tant les conditions de détention actuelles [...] vont à l'encontre de tout effort durable de resocialisation». Des mesures ont été prises depuis, comme la réfection des douches, la réouverture des ateliers fermés depuis plusieurs années pour cause de désamiantage et la création d'un site «protégé» pour les détenus les plus fragiles. La Direction de l'administration pénitentiaire souligne qu'il s'agit d'une première étape: 1 million de francs de crédits ont été alloués à la restructuration du CJD, qui devrait à l'automne être scindé en petites unités de 25 détenus, avec des surveillants volontaires affectés à des postes fixes - aujourd'hui, ils changent en permanence et ne peuvent pas jouer leur rôle de «référents» auprès des adolescents.

Pas assez de crédits
«Mais tout cela reste insuffisant, estime le Dr Betty Brahmy, chef du service médico-psychologique : il faudrait augmenter le nombre de surveillants et de travailleurs sociaux - le centre compte 5 éducateurs pour 365 pensionnaires - et recruter des psychologues pour aider les intervenants et les gardiens à améliorer leurs pratiques professionnelles. Mais on nous rétorque qu'il n'y a pas assez de crédits pour cela.» Une seule unité du CJD semble fonctionner normalement, à l'abri de la violence ambiante: celle des 13-16 ans, qui compte 17 gamins regroupés à part sous l'autorité d'un gardien permanent. Mais celui-ci, qui avait accepté de se plier à des horaires «non syndicaux», est l'objet depuis plusieurs mois de menaces, d'insultes et de coups de téléphone anonymes, apparemment de la part de collègues mécontents. Ce harcèlement a porté ses fruits: le surveillant modèle a craqué, récemment. Victime d'une grave dépression nerveuse, il est en arrêt maladie...

Alors que le nombre de mineurs mis en examen ne cesse d'augmenter - près de 20% de progression entre 1996 et 1998 - il devient urgent de mettre en place une politique réaliste. D'autant que plus de 80% des quelque 700 jeunes actuellement derrière les barreaux sont en détention provisoire, en attente de jugement ou de procédure d'appel. L'enfermement paraît aggraver les problèmes psychologiques et sociaux auxquels ils sont pour la plupart confrontés. 75% des jeunes de moins de 18 ans retournent en prison dans les cinq ans qui suivent leur libération, et 85% des 18-25 ans! Une enquête de l'Inserm publiée en 1998 montre que, dès le départ, les jeunes délinquants cumulent les handicaps. Plus de la moitié d'entre eux viennent de familles désunies et 60% ont quitté le système scolaire avant 15 ans.

La logique voudrait que les efforts envers cette population portent plus sur la pédagogie que sur la répression. Les signataires du texte citent en exemple Villepinte (Seine-Saint-Denis), un établissement pour mineurs où les problèmes d'agression ont apparemment été réglés. Mais au prix de moyens considérables: on y compte 4 surveillants, 2 enseignants, 1 conseillère d'insertion et 1 psychologue, des moniteurs de sport et des animateurs d'activités diverses... pour seulement 25 détenus!


Extraits du rapport Cabanel, 2000
disponible sur le site du Sénat, http://www.senat.fr/rap/l99-449/l99-449_mono.html

Les mineurs : la hantise des personnels pénitentiaires
(1) Les mineurs et la prison
(2) L'évolution des effectifs
(3) Les modifications législatives
(4) L'évolution de la délinquance juvénile
(5) La mission impossible de la prison
(6) Des conditions de détention généralement déplorables

Les mineurs : la hantise des personnels pénitentiaires
(1) Les mineurs et la prison
Le régime pénitentiaire applicable aux mineurs varie selon l'âge et la gravité de l'infraction.

Les mineurs de moins de 13 ans bénéficient d'une présomption d'irresponsabilité ; seules des mesures éducatives peuvent être prononcées à leur égard et leur détention est interdite. A partir de 13 ans, les juridictions compétentes peuvent prononcer des mesures éducatives ou des condamnations pénales " si les circonstances et la personnalité du mineur l'exigent ".

Les mineurs délinquants de 13 à 18 ans relèvent de juridictions spécialisées : le juge des enfants, le tribunal pour enfants et la cour d'assises des mineurs. Le juge des enfants peut prononcer la relaxe ou prendre des mesures éducatives. S'il estime que le mineur est passible d'une sanction pénale, il doit renvoyer l'affaire devant le tribunal pour enfants qui est appelé à juger les délits et les crimes commis par les jeunes de moins de 16 ans. La cour d'assises des mineurs est appelée à juger les jeunes criminels de 16 à 18 ans.

(2) L'évolution des effectifs
Si l'âge moyen des détenus a augmenté en vingt ans, le nombre de détenus mineurs a diversement évolué pendant la même période, comme en témoigne le graphique ci-après.

Après avoir oscillé entre 700 et 1.000 entre 1980 et 1988, le nombre des mineurs incarcérés a fortement diminué pour atteindre 400 détenus en 1991. Depuis cette date, il est en augmentation, avec un palier de 600 mineurs de 1993 à 1996, auquel a succédé une nouvelle progression.

Ces fluctuations résultent de deux facteurs : les modifications du régime pénal et des pratiques judiciaires, elles-mêmes influencées par l'évolution de la délinquance juvénile.

(3) Les modifications législatives
Comme le rappelle un rapport récent 14(*), " la baisse du nombre de leurs incarcérations entre 1985 et 1993 est liée aux modifications législatives de 1985, 1987 et 1989. La loi du 30 décembre 1985 dispose que les services de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) sont obligatoirement consultés avant tout placement en détention provisoire et prévoit l'implantation d'un service éducatif auprès de chaque tribunal (SEAT). La loi du 30 décembre 1987 supprime la détention provisoire des mineurs de 16 ans en matière correctionnelle et des mineurs de 13 ans en toutes matières. Enfin la loi du 6 juillet 1989 limite la détention provisoire des mineurs de 16 à 18 ans à un mois en matière correctionnelle, renouvelable une fois lorsque la peine encourue n'est pas supérieure à 7 ans d'emprisonnement. En matière criminelle, cette détention est limitée à six mois pour les mineurs de 13 à 16 ans, mais peut durer jusqu'à deux ans au-delà de 16 ans. "

Pourtant, depuis 1996, malgré les modifications du code pénal précitées, le nombre de mineurs incarcérés augmente. En outre, si au 1er janvier 1997, près de 80 % des mineurs incarcérés sont des prévenus, entre 1985 et 1995, la proportion de mineurs criminels a plus que doublé. Par ailleurs, la durée d'incarcération des mineurs se raccourcit, sauf pour les peines criminelles dont la sévérité s'est accrue. Ainsi, les peines de cinq ans et plus représentaient 33 % des peines en 1997, contre 15 % en 1987. Au cours de cette même période, la durée moyenne d'incarcération a augmenté de 14 mois.

(4) L'évolution de la délinquance juvénile
L'évolution du nombre des incarcérations des mineurs ces cinq dernières années révèle deux phénomènes préoccupants. D'une part, les actes de délinquance juvénile se caractérisent par une aggravation des infractions, souvent commises avec violence contre des personnes, notamment des représentants de l'autorité ou des services publics. D'autre part, la délinquance des mineurs est de moins en moins liée au comportement type de l'adolescent testant les limites de l'adulte, mais davantage au développement d'une " déviance collective " liée à une famille, un quartier, un territoire.

La plupart des intervenants entendus par la commission d'enquête ont souligné que l'incarcération n'était pas la solution la mieux appropriée à la lutte contre la délinquance des mineurs. Toutefois, tous ont également remarqué qu'à l'heure actuelle, il n'existait toujours pas de réponse alternative en l'absence de structure adaptée à la prise en charge des mineurs délinquants.

(5) La mission impossible de la prison
On demande aujourd'hui à la prison de réussir là où tous les autres intervenants (les familles, l'école, les services sociaux) ont échoué. Comme l'a fait remarquer le docteur François Moreau à la commission, " ils ne sont pas à réinsérer, ce sont des gens à insérer purement et simplement ".

En fait, la prison, loin de gagner ce pari impossible, constitue globalement un facteur supplémentaire de déstructuration.

Trois circulaires en date du 23 juillet 1991, du 4 février 1994 et du 20 mars 1995 organisent les conditions d'incarcération des mineurs afin d'assurer leur réinsertion. Ces textes limitent l'accueil des mineurs à 53 établissements spécialisés. Ils prévoient en outre l'affectation de personnels pénitentiaires spécialement formés, le développement d'activités sportives et socioculturelles, ainsi qu'une plus grande concertation entre les services de la protection judiciaire de la jeunesse et de l'administration pénitentiaire.

Par ailleurs, les conseils de sécurité intérieure des 8 juin 1998 et 26 janvier 1999 ont préconisé l'aménagement d'unités de 20 à 25 places et le renforcement des personnels pénitentiaires, médicaux, socio-éducatifs et enseignants.

(6) Des conditions de détention généralement déplorables
Malgré l'augmentation des moyens financiers et humains dégagés depuis quatre ans pour améliorer les conditions de détention des mineurs, celles-ci restent le plus souvent déplorables.

Dans de nombreux établissements, il n'existe pas de quartiers " mineurs " véritablement isolés des autres détenus majeurs. Ainsi, à la maison d'arrêt de Loos, les mineurs sont regroupés dans le bâtiment de la petite section, au premier étage, " coincés " entre le quartier disciplinaire au rez-de-chaussée et le quartier d'isolement au deuxième. Or, il n'existe pas de séparation entre les deux derniers étages. En outre, seules 16 cellules sont mises à la disposition des mineurs, alors que leur nombre s'est élevé à 26 en moyenne sur l'année 1999.

A la maison d'arrêt de Toulon, les mineurs sont placés à l'étage des isolés en attendant la transformation de l'ancien quartier des femmes en un quartier qui leur sera réservé.

D'une manière générale, l'article D. 516 du code de procédure pénale qui prévoit l'encellulement individuel des mineurs est loin d'être respecté, faute de cellules en nombre suffisant : c'est tout particulièrement le cas dans le sinistre quartier des mineurs des prisons lyonnaises que la commission a visitées.

Tous les interlocuteurs de la commission d'enquête ont également souligné la multiplication des violences, des trafics en tout genre et du racket dans les quartiers des mineurs. Les jeunes reproduisent en prison l'organisation sociale à laquelle ils sont soumis à l'extérieur. Des bandes se créent, qui terrorisent et rackettent les plus faibles.

En outre, la prison renforce le prestige du mineur délinquant de retour dans son quartier. Comme le faisait remarquer le juge des enfants M. Denis Salas dans une interview récente, la prison " est identitairement très intéressante pour le jeune qui veut se construire une carrière de dealer ou de racketteur ".

Face à cette situation, les intervenants susceptibles de prendre en charge les délinquants mineurs apparaissent désemparés et manifestent de plus en plus de réticences à s'occuper de cette population difficile.

Mme Cécile Rucklin, présidente du GENEPI 15(*), a effectué le constat suivant devant la commission : " Concernant les mineurs incarcérés et toujours dans la suite de l'ordonnance de 1945, l'éducatif doit primer sur le répressif. De plus en plus de mineurs se retrouvent en prison, pourtant dernier recours à envisager. Dans les établissements où sont placés des mineurs, l'administration pénitentiaire fabrique des fauves, des individus détruits et néanmoins très jeunes. Il faut développer les mesures prises par la protection judiciaire de la jeunesse : encadrement renforcé, éloignement, absence de contacts avec les populations carcérales adultes.

" Le problème est aigu chez les mineurs en prison et nous n'avons pas de solution immédiate. Les travailleurs sociaux n'ont plus envie d'y aller ni les instituteurs ; nous y sommes envoyés le plus souvent parce que nous sommes de bonne volonté et bénévoles. Mais nous ne sommes pas des professionnels : notre action se situe au niveau inférieur. [...]

" A la maison d'arrêt de Strasbourg, j'ai vu un jeune de 14 ans qui devait être renvoyé chez ses parents ; ils ont transmis un appel au procureur de la République, accompagné d'une pétition de toute la ville, pour qu'il ne revienne pas chez eux ni dans sa ville d'origine. A 14 ans, il fait peur à tout le monde. Je ne sais pas comment un mineur peut en arriver là, mais c'est le constat d'un échec des mesures préventives, peut-être pas assez strictes ou rigoureuses. Je n'ai pas plus de réponse. "

A la maison d'arrêt de Toulon, la commission d'enquête a mesuré à quel point la présence d'une demi-douzaine de mineurs pouvait rendre difficile la gestion de cet établissement. L'ensemble du personnel pénitentiaire est apparu complètement désarmé face à ces jeunes sans repères et conscients de leur impunité, puisque les textes interdisent qu'ils soient sanctionnés par un placement temporaire en quartier disciplinaire. Les surveillants ont avoué à la délégation leur impuissance et leur difficulté à communiquer avec les mineurs.

Comme il a été dit, il n'existe pas encore de véritable quartier " mineurs " à Toulon et les surveillants chargés de les encadrer ne bénéficient jusqu'à présent d'aucune formation spécifique, à la différence de ceux de Fleury-Mérogis.

La commission d'enquête ne peut que partager le bilan accablant dressé par la mission menée par les inspections générales sur les conditions de l'enseignement aux mineurs, à propos des conditions de détention de ces derniers : " Pour des jeunes disposant de peu de repères moraux et civiques, qui cumulent souvent depuis leur plus jeune âge des carences affectives, éducatives et scolaires, la prison constitue souvent un facteur supplémentaire de déstructuration. L'incarcération des mineurs dans certains quartiers pénitentiaires violents et criminogènes, dans lesquels s'instituent des espaces sans contrôle, est de nature à mettre en danger leur santé, leur sécurité et leur moralité au sens de l'article 375 du Code civil. Ces conditions d'incarcération ne sont conformes ni au droit national (civil, pénal, administratif), ni aux textes internationaux ratifiés par la France, qui instituent un droit à la protection et à l'éducation des enfants, y compris en détention. Le mépris du droit par ceux-là même qui ont pour charge de le faire admettre, comprendre et observer rend improbable une action éducative nécessairement fondée sur l'apprentissage du respect des lois et de la dignité des personnes ".

Tout est dit.

 

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