HARKIS
harka [‘arka] n. fém. (mot ar. "mouvement"). Unité de supplétifs indigènes, qui était levée en Algérie pour renforcer l'action de l'armée française pendant la guerre d'Algérie 1954-1962)
harki n. Masc. Militaire appartenant à une harka. (Après l'indépendance de l'Algérie, ceux des harkis, qui purent se réfugier en France - un grand nombre furent massacrés - représentaient, avec leur famille, près de 200,000 personnes. L'indifférence de la communauté française et l'hostilité de la communauté algérienne, qui les considère comme des traîtres, font naître inquiétude et mouvements de révolte chez leurs enfants).
Le terme de harkis, tiré de l'arabe
harka (mouvement), s'applique aux soldats de certaines unités supplétives
autochtones d'Algérie engagées avec l'armée française contre la rébellion
indépendantiste, de 1954 à 1962.
Cette appellation s'est étendue abusivement à tout autochtone ayant pris le
parti de la France durant la guerre d'Algérie, qu'il soit civil ou armé, ainsi
qu'à sa famille.
Depuis des siècles la France armait pour son compte des ressortissants locaux
dans les pays, où elle exerçait son autorité. Selon cet usage, en Algérie, dès
le début de la rébellion, les représentants des autorités françaises
recherchèrent l'adhésion des musulmans à la lutte contre la subversion. Se
fiant aux promesses des dirigeants de l'État dont celles que fit le général
de Gaulle jusqu'en 1960, ces représentants crurent que la France resterait
durablement en Algérie. Ils transmirent cette conviction aux musulmans algériens
qu'ils enrôlaient. S'ajoutant aux unités d'autodéfense de villages et aux
musulmans appelés ou engagés dans l'armée, trois corps d'autochtones furent
créés: les harkis, unités mobiles responsables d'un secteur, jumelées avec
les compagnies françaises, les maghzens, groupes statiques de moghaznis (sorte
de gendarmes ruraux) placés sous l'autorité des Sections administratives spécialisées
de l'armée chargées du développement rural (S.A.S.), et les Groupes mobiles
de sécurité (G.M.S.) assimilés aux C.R.S. Le recrutement fut surtout
collectif dans les villages; parfois il s'opérait parmi des déserteurs de l'A.L.N
(Armée de libération nationale). Les engagements étaient le plus souvent
volontaires. Les motivations furent variées, selon le sociologue Mohand
Harnoumou: patriotiques ou économiques pour certains, elles furent surtout
d'ordre sécuritaire, les chefs de village voulant protéger la population
contre les opérations de l'armée, et plus encore contre les incursions du
F.L.N.
Les supplétifs furent surtout enrôlés de 1957 à 1950. Face aux succès français
contre la rébellion interne, dont une partie voulut négocier (la wilaya IV,
dirigée par Si Salah), la population hésitait à choisir son camp. Ces
autochtones perdirent 5 000 hommes, morts au combat ou disparus. Les désertions
furent très rares. A partir de 1961, la politique française s'infléchit
clairement vers l'indépendance algérienne. Le putsch militaire avorté d'avril
1961 fut en partie motivé par la grande inquiétude d'officiers, mûris par
l'expérience indochinoise, sur l'avenir des "francophiles" dans une
Algérie aux mains des rebelles. Peu après, la démobilisation et le désarmement
des supplétifs commencèrent. Signés à la hâte, les accords d'Evian attribuèrent
l'Algérie au F.L.N., laissant les "musulmans français" sans
protection véritable, comme le dénonça l'économiste Maurice Allais. Le 19
mars 1962, jour du cessez-le-feu entre l'armée française et l'A.L.N., selon le
rapport à l'O.N.U. du contrôleur général aux armées Christian de
Saint-Salvy, on comptait en Algérie 263 000 autochtones engagés du côté français
ou récemment démobilisés, dont 60 000 militaires, 153 000 supplétifs et 50
000 notables francophiles. Familles comprises, il y avait plus de 1 million de
personnes menacées sur 8 millions de musulmans algériens, tout ce qui restait
de ceux des autochtones qui avaient pris le parti de la France, sans, pour
autant, avoir souhaité le maintien du statut colonial. Au printemps de 1962,
alors que le territoire était laissé au F.L.N. par l'armée française repliée
dans des garnisons d'Algérie, le nouveau pouvoir feignit la clémence envers
les pro-Français, et à Paris le gouvernement, dirigé par Charles de Gaulle,
limita à une portion minime leur repli en France. Louis Joxe, ministre d'état
aux Affaires algériennes, adressa à l'armée une directive "très secrète",
le 12 mai 1962, menaçant de sanctions les militaires français, qui organisaient
le repli en métropole de leurs alliés musulmans "en dehors du plan général
de rapatriement", et ordonnant même le renvoi en Algérie des supplétifs
débarqués en France. En fait, ce "plan" n'existait que sur le
papier, et le gouvernement fut débordé par l'exode des Européens. Seulement
de 15 000 à 20 000 familles de musulmans pro-Français (91 000 personnes)
purent s'établir en France de 1962 à 1968. Au sein de l'écrasante majorité
restée en Algérie, il y eut au minimum des dizaines de milliers de victimes
assassinées par le F.L.N. (150 000, selon une note officielle du Service
historique des armées rédigée en 1974). Jean-Marie Robert; sous-préfet d'Akbou,
dans son rapport de 1963 au vice-président du Conseil d'Etat établi sur la
base de nombreux témoignages, estima entre 1 000 et 2 000 le nombre des
massacrés,
dans chacun des soixante-douze 72 arrondissements d'Algérie, de mars à décembre
1962. En 1995, le général Faivre, à partir des estimations démographiques de
Xavier Yacono comportant une large marge d'incertitude, avançait une fourchette
de 50 000 à 70 000 harkis tués par le F.L.N., souvent dans d'ignobles
tortures, parfois par familles entières après des viols collectifs, etc., et
cela en présence de l'armée française qui reçut l'ordre de rester passive,
comme à Oran le 5 juillet 1962, et sans que l'opinion publique nationale ou
internationale ne s'en émeuve. A ces victimes, il faut ajouter les milliers de
pieds-noirs ou de juifs algériens assassinés, enlevées etc., par les nouveaux
maîtres de l'AIgérie dans la même période. "L'arrêt du génocide
gaulliste" des "Français musulmans" fut le mobile revendiqué
avec le plus de vigueur par Jean Bastien-Thiry principal auteur de l'attentat du
Petit-Clamart (22 août 1962), commandité par Georges Bidault. Les meurtres de
ces musulmans durèrent jusqu'en 1966. En 1965 la croix rouge recensait 13 500
pro-Français incarcérés en Algérie. En France, les réfugiés transitèrent
dans des camps. Faute de structures d'accueil suffisantes; leur insertion fut
difficile, ils connurent un taux de chômage élevé.
En raison de sa forte natalité, la population métropolitaine issue des
"musulmans français d'Algérie" dépassait les 400 000 personnes en
1990; une population méconnue, parfois même amalgamée avec ceux qui se
revendiquent comme "beurs ". En 1991, la révolte d'enfants de réfugiés
harkis dans plusieurs villes françaises révéla au grand jour une vérité
occultée en France et en Algérie en raison de son caractère accablant pour
les deux pays. A la lumière de cette tragédie longtemps refoulée apparaissent
de façon crue les causes profondes d'un divorce entre deux communautés.
DENOIX Philippe, Encyclopaedia Universalis
LEMONDE.FR | 08.06.01 | 12h19
Pendant vingt ans, des familles ont été parquées derrière les barbelés du camp de Bias
Bordeaux de notre correspondante
Bias est un petit village champêtre de trois mille habitants, près de Villeneuve-sur-Lot (Lot-et-Garonne). A l'écart de la D911 qui mène au village, s'étend le centre d'accueil des rapatriés d'Algérie, là où se trouvait le camp de Bias; le "mouroir des harkis", soufflent ses habitants.
Aujourd'hui, les barbelés ont disparu. Deux cents personnes, des harkis et leurs enfants, vivent dans de petits pavillons individuels. Il a fallu attendre les émeutes de 1975 pour que l'on envisage de raser le camp et de le reconstruire en dur, ce qui ne sera fait qu'en 1983. A partir de 1962, année de l'indépendance en Algérie, on y a enfermé des centaines de Français musulmans rapatriés. Le camp de Bias a hébergé essentiellement des invalides, des vieillards et leurs familles. "Ils étaient tous salement amochés, traumatisés par la guerre et leur départ d'Algérie, se souvient Patrick Jammes, médecin pendant trente ans du dispensaire installé dans le camp. Ils avaient des bouts de plastique et des cicatrices partout. Les conditions de leur accueil étaient déplorables : on les qualifiait de traîtres dans une atmosphère de racisme anti-arabe."Les supplétifs étaient isolés : grillages, barbelés, sapins géants, entrée cadenassée la nuit tombée, école, alimentation et dispensaire intégrés. L'électricité était coupée à 22 heures; les courriers étaient ouverts et le drapeau était levé chaque matin au son du clairon. Surveillance, intimidation, corruption et abus de pouvoir rythmaient le quotidien des 1300habitants. Ils ne pouvaient se doucher qu'une fois par semaine. Plusieurs familles partageaient les mêmes toilettes extérieures et toutes vivaient dans quatre baraquements en ciment datant des années 1930. Les enfants étaient envoyés en centre de redressement pour un papier jeté par terre. "On allait dans des établissements spécialisés avec d'autres enfants de harkis, s'emporte Larbi Bouzaboun, aujourd'hui employé à la ville de Villeneuve-sur-Lot. On était dressés à coups de poing et on n'avait pas d'autre choix que celui d'apprendre des métiers imposés : maçon, peintre en bâtiment… C'est pas normal."
ALCOOLISME ET CRISES D'ANGOISSE
Les hommes se sont souvent réfugiés dans l'alcool. Certains allaient au dispensaire pour un cachet de valium ou une piqûre de tranquillisant. D'autres, les mêmes parfois, étaient internés en hôpital psychiatrique. "Un pavillon de l'HP local était réservé au camp, rappelle M. Jammes. Au début, on les envoyait par car entier. Le directeur de l'époque s'en servait pour mater les récalcitrants." Mais les crises de démence, d'angoisse, de délire, les coups de fusil étaient réels et les pathologies mentales plus développées qu'ailleurs. Presque tout le monde était rongé de cauchemars. Certains le sont toujours. A l'angle d'une rue, un minuscule jardin est protégé par… des barbelés. "C'était un vieux qui habitait là, raconte un voisin. Il a toujours eu peur du retour des fellaghas."
Le jour du cessez-le-feu en Algérie, en 1962, les harkis avaient été désarmés. Les anciens de Bias se souviennent de leur départ précipité, contre l'avis du gouvernement français. Certains ont abandonné maison, femme et enfants. D'autres sont restés. La plupart ont été tués, poursuivis par le FLN ou la vindicte populaire, ou ont été emprisonnés dans les geôles algériennes.
Sur le banc d'un Abribus, quatre vieux harkis jettent leur regard dans le vide. Mohamed Bouafia pose ses mains crispées sur une canne. Ses yeux, comme sa voix, sont minuscules et fatigués. Il fait partie de ceux qui sont restés en Algérie et n'est arrivé à Bias qu'en 1968. Depuis 1962, il croupissait dans le camp Maréchal-Foch, à côté de Tizi Ouzou. "Quand on m'a mis en prison, on m'a dit qu'on allait tous mourir et chaque nuit, j'entendais des prisonniers crier, tués à coups de pioche." "Parfois, on devait courir pieds nus sur des tessons de bouteille, ajoute Mouloud, détenu dans le même camp. Ou alors, on subissait la “poche”, du sel glissé entre la peau et la chair…" Il fait du vent avec sa casquette, comme pour faire disparaître les mauvais souvenirs : "Ils nous ont cassés, tout cassés." Tous considèrent qu'ils ont été enrôlés de force dans l'armée française. "Ils ont tué mes parents et, après, le capitaine m'a demandé de choisir entre la mort et l'armée, se souvient M. Bouafia. Mes frères, eux, étaient FLN. Je ne les ai jamais revus." Malgré ses cauchemars, le vieil homme ne regrette rien : "Si c'était à refaire, je le referais avec un gouvernement français." Ils sont nombreux à être plus amers : "Pourquoi, après avoir été fidèles à la France, a-t-on été trahis, abandonnés et oubliés ?"
Courtois Claudia
Keesing's Worldwide on line
Hot Topics: Harkis
July 1991
Violent disturbances erupted during June and July in the Mediterranean port of Narbonne, among groups of Harkis--ethnic Algerians who had acquired French citizenship after fighting for France in the Algerian independence struggle.
Protesting against what they described as years of neglect by the French authorities, young militants among the 420,000-strong community engaged in repeated clashes with police, and some 15 people were injured on July 23-25. Despite efforts by older Harkis to moderate the militant groups, and despite government promises to examine their claims, racial tensions continued to grow as the month progressed. On July 24 a group of paratroopers received suspended sentences in nearby Carcassonne for attacking North African immigrants with clubs.
September 1975
Kidnapping of Algerians by "Harkis". - Government Proposals to phase out "Harki" Camps
In addition to the difficulties described above, Franco-Algerian relations also had to contend with the problem of the "harkis "-the Moslem Algerians who had fought on the French side during the war of independence, had opted for French nationality and had since lived in France, mostly in southern French ghettoes. Numbering (with their dependants) over 200,000, the harkis maintained that they received insufficient assistance from the French Government and also attacked the Algerian Government for its policy of refusing them entry except on a case-by-case basis and for refusing to let members of their families still in Algeria join them in France.
The position of this minority was highlighted on Aug. 6 when 10 young harkis captured four Algerian immigrant workers (after shooting and wounding two others) and held them hostage at a camp in the Gard department of southern France in protest against the alleged refusal of the Algerian authorities to allow the son of a harki to return to France after a holiday. After another group of harkis had taken five Algerians hostage at Bourges on Aug. 8, it was confirmed the same day that the boy had been allowed to fly to France with the result that both sets of hostages were released.
In a further incident on Aug. 16, a group of four harkis (including a woman) kidnapped an Algerian official of the Amicale des Algerien (an immigrant organization) and held him hostage at Bias in southwestern France in support of a demand that the French Government should enter into negotiations with the Algerian Government to secure guaranteed freedom of movement, including entry and exit, for harkis and their families in Algeria. The hostage was released on Aug. 19 after M. Poniatowski (the Interior Minister) had issued a statement saying that no negotiations could be pursued so long as the hostage was still held, while confirming the Government's wish that a satisfactory solution to the problems of the harkis should be found with the Algerian authorities.
The same day (Aug.19) M. Poniatowski received the two principal leaders of French Moslems, M. Mohamed Laradji (president of the Confederation of French Moslems Repatriated from Algeria) and M. Jean-Claude Khiari (president of the National Front of Repatriates of the Islamic Faith). After the meeting M. Laradji called upon all French Moslems to refrain from "irresponsible" acts while the French Government was conducting negotiations with Algeria, whereas M. Khiari expressed "limited confidence" in the Government and warned that if the Algerian Government continued to take "hostages", his organization "would not be able to remain with its arms folded.
The outbreak of the latest wave of unrest among harkis coincided with the adoption by the French Cabinet (on Aug. 6) of plans for closing all remaining harki camps by the end of 1976 and for allocating F140,000,000 (£15,000,000) to a programme designed to assist local authorities in rehousing and training harkis.
July 1963
Reprisals against Harkis
It was reported in November 1962 that between 5,000 and 10,000 former harkis (Moslem irregulars serving with the French Army) had been murdered or executed by irregular courts since the cease-fire, most of them in July and August; that several thousand others had been interned or sentenced to hard labour; and that 17,000 had taken refuge in France. After talks with M. de Broglie, M. Ben Bella announced on Jan. 23, 1963, that the Algerian Government had granted the International Red Cross complete freedom to inspect the internment camps; he claimed that the harkis had been interned for their own safety, as on returning to their homes they had often been attacked by former A.L.N. members.