Zone d'éducation prioritaire ZEP

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Banlieues Paroles de profs
Un élève sur cinq scolarisé en ZEP

Par Marie-Joëlle GROS
mardi 15 novembre 2005

En 1981, le socialiste Alain Savary créait les ZEP (Zones d'éducation prioritaires) avec la volonté de «donner plus à ceux qui ont moins». Vingt-quatre ans plus tard, le constat est sans appel : l'Etat n'a jamais particulièrement doté les ZEP.

Un élève sur cinq était scolarisé en ZEP en 2003, soit 1 700 000 élèves. Le surcoût de masse salariale des enseignants n'est que de 8 % par élève en ZEP, d'après une étude de l'Insee publiée en septembre. Une classe de collège en ZEP compte en moyenne deux élèves de moins qu'une classe non ZEP. En clair, les ZEP offrent des conditions d'enseignement à peine meilleures, pour un coût pratiquement nul. Les efforts de l'Etat se concentrent sur des établissements davantage privilégiés, attirant des enseignants en milieu ou fin de carrière, mieux payés.

Le taux d'élèves issus de familles défavorisées est de 65,4 % en ZEP contre 44,7 % ailleurs. Dans 10 % des établissements classés ZEP, ce taux d'enfants défavorisés dépasse 80 %.

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Education
ZEP: le bide scolaire
Les zones d'éducation prioritaire, destinées à renforcer l'action éducative dans les quartiers sensibles, n'ont jamais pu jouer leur rôle faute de moyens, assène une étude de l'Insee.

Par Emmanuel DAVIDENKOFF
vendredi 16 septembre 2005

témérité ou inconscience ? En déclarant à la rentrée qu'il allait rouvrir le chantier des zones d'éducation prioritaire (ZEP), Gilles de Robien, le ministre de l'Education nationale, risque fort de décevoir. Car, vingt-quatre ans après leur création, les ZEP apparaissent de plus en plus comme un énorme ratage en termes de politique publique. Une étude publiée aujourd'hui par l'Insee dans sa revue Economie et statistique (1) confirme brutalement plusieurs évaluations récentes : si le niveau des élèves de ZEP reste nettement inférieur à celui des autres élèves, ce n'est peut-être pas seulement en raison de la structure sociologique de ces zones, mais aussi parce que l'Etat n'a accordé qu'une priorité relative à ces zones. Voici les quatre défis qui attendent Robien.

1 Le leurre des moyens supplémentaires

Quand elles sont créées par Alain Savary, dès juillet 1981, les ZEP promettent de «donner plus à ceux qui ont moins». L'époque est ambitieuse : les ZEP sont censées durer quatre ans, juste le temps pour les 363 zones identifiées à la rentrée 1982 de rattraper leur retard. Vingt-trois ans plus tard, le bilan est sans appel : l'Etat n'a pas mis le paquet. Le surcoût de masse salariale des enseignants n'est ainsi que de 8 % par élève en ZEP. Ces enseignants étant en moyenne beaucoup plus jeune que la moyenne ­ donc moins bien payés ­ l'Insee estime que «les salaires moins élevés de ces professeurs compensent probablement, en partie, le surcoût des ZEP résultant des postes supplémentaires et crédits indemnitaires». L'effort budgétaire correspond donc bien à une hausse du nombre de profs. Mais ce gain est minime : en moyenne, une classe de collège en ZEP compte deux élèves de moins qu'une classe non ZEP. Dit autrement : les ZEP offrent des conditions d'enseignement à peine meilleures, pour un coût pratiquement nul. De fait, l'Etat dépense plus pour les collèges ou les lycées privilégiés qui attirent les enseignants en milieu et fin de carrière.

La conclusion de l'Insee est sans appel : si «la masse des dépenses supplémentaires engagées est loin d'être négligeable [...], les moyens affectés directement aux élèves se réduisent à quelques heures d'enseignement supplémentaires». Le comble : «Les primes ou avantages en termes de promotion attribuées aux enseignants de ZEP n'ont pas permis de stabiliser le personnel de ces établissements.» L e turn-over se serait accru au fil des ans, en dépit de l'instauration d'une «prime de sujétion spéciale» de 1 000 euros par an en 1990.

2 Peu ou pas d'effets sur le niveau des élèves

Pour l'Insee, «la mise en place des ZEP n'a eu aucun effet significatif sur la réussite des élèves». Ce qui est, de fait, un jugement médian par rapport aux derniers travaux. Certains chercheurs estiment que «les données concernant les acquis scolaires s'avèrent décevantes» et rendent hardies les conclusions trop tranchées. D'autres, comme l'économiste Denis Meuret, affirment que les élèves de ZEP «réussissent un peu moins bien qu'ils ne réussiraient ailleurs». La lecture la plus optimiste est signée Marc Gurgand, qui commente l'enquête de l'Insee dans le même numéro d'Economie et statistique : «Les ZEP peuvent paraître n'avoir aucun effet, simplement parce qu'elles ont réussi à maintenir les écarts de résultats observés en 1981, alors même que les difficultés des élèves et les conditions de travail des enseignants empiraient.»

Seule certitude : les ZEP ne sont pas devenues les «zones d'excellence pédagogique» que leurs initiateurs espéraient. Notamment parce qu'on a beaucoup tâtonné autour de l'articulation transmission du savoir-socialisation des élèves, le second objectif passant parfois au premier plan.

3 Les inégalités ont augmenté

C'est le ministère de l'Education nationale qui prévient : «Méfiez-vous des moyennes quand vous parlez des ZEP : les situations sont très hétérogènes sur le terrain.» De fait, certains établissements concernés obtiennent des résultats remarquables et l'étude de l'Insee tend à les minimiser. Elle confirme en revanche l'absence d'une politique de pilotage cohérente.

En réalité, l'histoire des ZEP s'est stratifiée autour de trois époques : la mise en place en 1982, une première relance en 1990, une seconde en 1998. A chaque fois, ces zones s'étendent : on passe de 8,3 % des écoliers et 10,2 % des collégiens en 1982 au double aujourd'hui. Mais les écarts se sont creusés à l'intérieur des ZEP. Ainsi, le taux d'élèves issus de familles défavorisées est de 65,4 % en ZEP (contre 44,7 % hors de ces zones). Mais, dans 10 % des établissements, ce taux d'enfants défavorisés est supérieur à 80 %. Dans les 10 % du haut du panier, il est inférieur à 44,7 %.

4 La volonté politique fait défaut

Gilles de Robien n'a sans doute pas tort d'avancer à pas de loup dans son idée de rénover les zones d'éducation prioritaire : jusque-là, «la politique des ZEP a connu des phases de relance visant principalement à en élargir l'emprise, alors que ni son efficacité globale, ni sa capacité à corriger l'inégalité des chances n'étaient clairement établies», souligne le chercheur Marc Gurgand. Reste à savoir si le ministre pourra refonder la politique d'éducation prioritaire dans un contexte de vaches maigres budgétaires, mais aussi de gestion des ressources humaines ubuesque : une erreur de prévision massive a conduit l'Education nationale à recruter plusieurs milliers d'enseignants condamnés à trois années au moins de remplacements en début de carrière (puisque dans le même temps elle a supprimé des postes fixes dans les établissements ou fermé des structures). Ce qui est peu propice à la stabilisation des équipes, d'autant que ces jeunes atterrissent majoritairement en ZEP. Le diagnostic des chercheurs Martine Kherroubi et Jean-Yves Rochex, sur l'état moral des «acteurs» de la politique des ZEP, risque fort de conserver sa pertinence : «Ils ont bien souvent le sentiment non seulement d'être démunis d'orientations claires et de soutien effectif, mais d'être envoyés seuls au "front" pour maintenir à flot une barque scolaire que la logique économique libérale et les politiques d'emploi et d'habitat ne cessent de charger et de déstabiliser.»

(1) «Zones d'éducation prioritaire : quels moyens pour quels résultats ?» par Roland Bénabou, Francis Kramarz et Corinne Prost, in Economie et statistique, n° 380.

http://www.liberation.fr/page.php?Article=324149

 

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